Un métier insolite : Responsable des technologies de Fabrication Additive
Dans le cadre de la journée internationale de la Femme, nous vous proposons de vous faire découvrir un métier, un peu particulier, celui de Responsable des technologies de fabrication additive dans le secteur spatial. Qu’est-ce que la fabrication additive (communément appelée Impression 3D) ? Comment cette technologie s’inscrit-elle dans le processus de fabrication d’un satellite ? Rencontre avec Florence Montredon qui va nous expliquer les différentes composantes de son métier.
Space Q&A : Florence Montredon bonjour.
Florence Montredon : bonjour
Space Q&A : Vous êtes Responsable des technologies de fabrication additive chez Thales Alenia Space. Pouvez-vous expliquer votre métier à nos internautes ?
F.M : Mon métier consiste à qualifier de nouveaux matériaux et/ou procédés afin de les intégrer dans le processus de fabrication d’un satellite. Je joue un rôle d’expert et travaille en étroite coopération avec les bureaux d’études, la Recherche et Développement et le Management de Programme. En l’occurrence, nous travaillons depuis plus de 6 ans sur un vaste projet de production de pièces de satellites en fabrication additive. Comment ça marche ? Cette technologie – également appelée Additive Manufacturing - permet la réalisation d’objets tridimensionnels en se basant sur un modèle digital. Ces pièces sont réalisées par la fusion de filaments ou de poudres (en plastique ou en métal) disposés en plusieurs fines couches superposées. L’opération est réalisée à l’aide d’une machine commandée par ordinateur à partir d’un modèle numérique 3D (fichier CAO).
Space Q&A : avez-vous des exemples concrets d’utilisation de l’additive manufacturing chez Thales Alenia Space ?
F.M : Plusieurs pièces, en fabrication additive, ont été qualifiées en vol à bord des satellites de télécommunications TurkmenAlem, Arabsat-6B, tous deux opérationnels en orbite. Les satellites de télécommunications Koreasat7 et 5A embarqueront les plus grandes pièces jamais fabriquées en Europe, en fabrication additive ! Il s’agit de supports d’antennes en aluminium. Et ce n’est qu’un début…Nos collègues turinois ont, quant eux, été très impliqués dans la réalisation de la première imprimante 3D européenne pour l’Espace. Elle a fait l’objet d’une d’expérimentation, à bord de la Station Spatiale Internationale, qui a été franc succès. Cette technologie, qui est en train de se démocratiser dans de nombreux autres secteurs d’activités tels que l’aéronautique ou l’automobile, va, j’en suis persuadée, monter en puissance dans les années à venir. Je tiens à préciser que l’Additive Manufacturing ne se limite pas à un nouveau procédé de fabrication à part entière. Le concept va beaucoup plus loin. Il s’agit d’une révolution profonde en matière de conception, qui oblige à travailler en équipe pluridisciplinaire et ce, en étroite collaboration avec nos partenaires de fabrication et de contrôle des pièces.

Quel a été votre parcours professionnel ?
F.M : J’avais au départ un profil plutôt littéraire. Le corps enseignant m’a, à l’époque, persuadé de suivre une filière scientifique. J’ai écouté son conseil en poursuivant des études de chimie. Après avoir obtenu, en parallèle de mon diplôme d’ingénieur, un DEA d’analyse physico-chimique, j’ai été embauchée dans une PME pendant 4 ans. J’ai trouvé cette première expérience très formatrice. Cela m’a appris à travailler efficacement en équipe et à gérer un projet de bout-en-bout en quasi-autonomie. Je suis ensuite rentrée chez Thales Alenia Space en 2000. J’y ai accompli différentes missions (expertise, support à la production, R&D, encadrement) avant de m’intéresser à la fabrication additive à partir de 2009. Cette pratique s’inscrit aujourd’hui dans le projet « Usine du Futur » de Thales Alenia Space, qui consiste à injecter des technologies de pointe et innovations - robotique, cobotique, impression 3D…- au cœur de la stratégie de l’entreprise.
Quelles sont les 3 qualités requises pour exercer votre profession ?
F.M : La rigueur (dans le spatial, il n’y a pas de service-après-vente une fois que le satellite est en orbite) ; l’adaptation : il faut parvenir à trouver le juste-équilibre pour arriver à valider des applications en vol qui soient ambitieuses tout en restant réalistes vis-à -vis des exigences techniques à respecter ; la persévérance : l’innovation doit souvent faire face au phénomène, très humain, de résistance au changement. Il faut donc faire preuve de persuasion et accepter de se mettre en danger pour continuer à innover.

Quel est l’événement « historique », dans le domaine spatial, qui vous a le plus marqué ?
F.M : L’introduction de notre première pièce, en fabrication additive, à bord du satellite TurkmenAlem. Cela été vécu comme un réel accomplissement par l’ensemble des équipes qui ont travaillé sur ce projet.
Quels conseils donneriez-vous à la nouvelle génération de lycéennes ou étudiantes attirée par une filière scientifique ?
F.M : Je leur conseillerais de trouver leur propre voie. Il est tout à fait possible de suivre une filière scientifique tout en restant très créatif. L’innovation fonctionne très bien dans un environnement décloisonné, multiculturel et interdisciplinaire. Les jeunes lycéennes, étudiantes, férues de sciences et de nouvelles technologies, ont parfaitement leur place pour concevoir les innovations du futur.

Leur conseilleriez-vous de travailler dans l’industrie spatiale ?
F.M : Oui parfaitement. Il s’agit d’un domaine impressionnant, qui repousse les limites de l’Humain. La découverte de l’Espace est infinie. Le champs des possibles est donc très vaste. L’industrie spatiale restera, j’en suis sûre, à l’avant-garde de projets porteurs d’innovations qui rentreront, pour certaines d’entre elles, dans le domaine public dans un futur proche.
…Et si c’était à refaire ?
F.M : Je recommencerais sans hésiter !
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