La Journée Internationale de la Femme vue par un homme : Bruno Wiart
On observe toutefois un changement de paradigme. Des événements très médiatisés comme Rosetta, ExoMars ou encore les superbes prises de vues aériennes effectuées par l’astronaute français Thomas Pesquet depuis la Station Spatiale, ont permis de faire découvrir l’Espace au grand public, faisant émerger de nouvelles vocations auprès des lycéen(ne)s et étudiant(e)s en particulier.

Depuis plusieurs années, Thales Alenia Space a entrepris une démarche volontariste pour favoriser le recrutement des femmes. Bruno Wiart, Directeur des activités Solutions Logicielles de Thales Alenia Space France, en est l’un des fers de lance. Engagé en faveur de la mixité et de la diversité en entreprise depuis la première heure, nous avons spécialement tenu à l’interviewer un jour comme celui-ci.
Space Q&A : Thales Alenia Space s’est depuis plusieurs années engagé dans une campagne de recrutements volontariste en faveur de la mixité et de la diversité. Comment expliquez-vous qu’il y ait encore aujourd’hui un ratio si faible de femmes ingénieures dans le domaine industriel ?
B.W : Le métier d’ingénieur est perçu, à tort très souvent, comme un métier exclusivement technique, qui véhicule un certain nombres de stéréotypes. L’attractivité est malheureusement très faible auprès des femmes. Suivant les écoles d’ingénieurs, le ratio est compris entre 7 et 14%, parfois un peu plus. Résultat, les entreprises en milieu industriel reçoivent peu de candidatures de femmes ingénieures.
Space Q&A : La mixité, la diversité, vous êtes un peu tombé dedans quand vous étiez petit, non ?
B.W : Oui on peut dire ça comme ça ! (Rires). Avant de rentrer chez Thales Alenia Space, je travaillais en Australie, au sein du groupe Thales, dans le domaine de la gestion du trafic aérien (Air Traffic Management). J’avais la responsabilité de la Direction Ingénierie. Nous avions la chance d’être dans un contexte où nous remportions appel d’offre sur appel d’offre. Je disposais au départ d’une équipe de 80 personnes. Au bout de deux ans, nous étions 230. Nous avons eu, dans l’intervalle, des problématiques de charges qui ne pouvaient être entièrement satisfaites en local. Il a donc fallu recourir à des embauches extérieures, en particulier à l'étranger, sous-traiter massivement dans plusieurs pays. C’est tout un nouveau schéma organisationnel et managérial que nous avons mis en place pour tenir nos engagements. Je me suis rendu compte que ma Direction comptait en définitive, tenez-vous bien, 43 nationalités différentes, avec bien sûr un nombre de femmes bien plus important ! La mixité et plus globalement la diversité : par expérience, je peux vous assurer que ça marche ! C’est extrêmement enrichissant à tous niveaux.
Space Q&A : Qu’est-ce que la mixité et la diversité ont apporté au sein de votre organisation actuelle ?
B.W : Les femmes et les hommes portent des regards différents sur les mêmes réalités. Je suis convaincu qu’il ne faut pas constituer des équipes exclusivement masculines ou féminines. Apporter de la mixité permet au contraire d’améliorer l'efficacité collective mais également la qualité de vie au travail. Il y a forcément des apports complémentaires permettant conjointement de mieux appréhender les difficultés et de les dépasser. La mixité influe positivement sur la dynamique de groupe. Au-delà de la mixité, la diversité des candidats sélectionnés (nationalités, parcours, expériences à l’étranger, personnalités) est toujours bénéfique à toute forme d’organisation. La matière grise n’est-elle pas uniformément répartie dans le monde ?
Space Q&A : Comment accompagne-t-on la diversité en terme de management ?
B.W : La diversité s’accompagne d’un modèle managérial qui ne peut plus cohabiter aujourd’hui avec le modèle hiérarchique hérité du passé, où les entreprises ont été créées par des hommes pour des hommes. Il faut désormais passer à un modèle plus centré sur la mise en réseau des compétences. On peut parler de Management interculturel et inter-générations. Lorsque vous recrutez des profils de juniors, de seniors, que vous faites coexister ensemble différentes nationalités, cela implique une réelle remise en question en matière de fonctionnement managérial. Cette transformation va modifier la culture même de l’organisation. Par l’entremise de ce que l’on appelle l’innovation managériale [plus de transparence, plus de travail collaboratif et d'autonomie, capacité à déléguer davantage et à faire confiance], on gagne en temps, en agilité et donc, par transitivité… en efficacité professionnelle.
Space Q&A : En terme d’embauches, combien de femmes avez-vous eu la possibilité d’embaucher au sein du département Systèmes Logiciels de Thales Alenia Space?

B.W : Depuis sa création début 2013, l’entité Solutions Logicielles de Thales Alenia Space France a recruté environ 180 nouveaux embauchés. 37% d’entre eux sont des femmes. Certaines d’entre elles sont aujourd’hui Chef de projet, Chef de service ou Chef de département. Elles ont toutes su prendre leur place et apporter considérablement dans ce domaine [l'ingénierie logiciel] qui, de prime abord, peut paraître très technique ! [Thales Alenia Space a, plus globalement, comptabilisé 600 recrutements en 2016 et compte à ce jour 7980 salariés]. La mixité, la diversité, offrent incontestablement un environnement de travail particulièrement favorable à la créativité et à l'innovation, dont notre entreprise a besoin pour poursuivre sa propre mutation.
En matière de mixité, je conclurais ainsi : « Un + Une, ça fait plus que deux ! ».
Bruno Wiart a toujours prôné la mixité et les femmes le lui rendent bien. En décembre 2015, il a reçu l’award « engagement for diversity » de la part de l’association WIA (Women in Aerospace) pour son action en faveur de la mixité et de la diversité !
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First artistic view: © Thales Aenia Space/Briot
Thomas Pesquet inside La Cupola: © ESA/NASA
Group picture: © Women In Aerospace